Ne vas pas croire que dans leur vie de
débauche et de rébellion nos deux compères ne passaient leur temps qu’en
soirées michü, petit malotru ! Non ! Ils passaient aussi des vacances
michü ! Depuis leur premier voyage en mode sac-à-dos en Grèce (c’est là
encore une autre histoire !) et après avoir déjà arpenté près d’une
demi-douzaine de pays ensemble (oui, c’est ça, cinq. Ne chipote pas
s’il-te-plaît), les récits d’aventures aussi incroyables qu’insolites se sont
accumulés à la vitesse d’un cheval au galop. En descente. Dans le Concorde.
Vite, quoi. Parmi toutes ces aventures, celle de la Bataille de crotte de
bique illustre bien la portée de la débilité que les John & John s’autorisaient !
C’était là en plein cœur d’un road-trip
au Portugal que les deux compères s’étaient posés pour un peu de repos dans le
village inquiétant de Geres (pourquoi était-il inquiétant ? Ceci est
une histoire de passages secrets qui font se déplacer les gens tellement vite
de magasin en magasin qu’ils donnent l’impression que ce type aux grosses
narines bosse derrière chaque porte de la ville ! Ce qui, en plus, était presque
vrai !), dans les montagnes paumées au nord-est du pays. Après s’être un
peu reposés (la guitare dans une main, le Porto dans l’autre… pas évident pour
jouer, pas dérangeant pour boire) dans un camping de manouches sur les hauteurs
du village, l’heure était à la découverte des environs. La découverte du bar du
coin, pour commencer ; des ruelles alentours ensuite ; puis du petit
resto qui leur a vendu un plat de poulet rôti aux légumes fraichement cuisinés,
large comme une chemise de Carlos et pour le prix d’une frite ; et enfin
d’un petit chemin non balisé qui semblait monter à travers la forêt. Il n’en
fallait pas plus aux deux compères pour se demander jusqu’où ils pourraient le
suivre (le chemin, pas Carlos) et c’est ainsi qu’ils partirent pimpants, joie
au cœur et claquettes aux pieds le long de ce sentier de montagne.
La voie du sous-bois continuait à serpenter
le long de fermes et de vieilles bâtisses de pierres et de bois quand deux
énormes chiens (d’après la légende, chacun d’eux était assez gros pour dévorer
un poney PLUS un paquet de Pépito au
goûter) se postèrent à la droite d’un embranchement et se mirent à gueuler
suffisamment fort pour que les deux Johns se regardent et se disent vaillamment
« on va prendre à gauche, hein ? Ça a l’air plus joli… ».
Et à gauche ils partirent, suant sans
cesse sur des pistes en côtes, enjambant des pins que la tempête avait fait
s’écrouler, glissant sur des pierres quand la pente était trop raide,
escaladant même des rochers pour que l’ascension et la découverte ne s’arrêtent
pas. Enfin, après de longs et éreintants efforts s’ouvrit devant eux une
immense clairière en crête (mais au Portugal quand même), donnant un point de
vue sur les montagnes du massif et les vallées en contrebas. Un appel à la
pause, en somme ! (Non, pas le département ! On était au Portugal,
face de tête !) Là, la magie opéra d’elle-même puisque c’est après quelques minutes
seulement de contemplation que se firent entendre des sons de clochettes et de
sabots sur la roche. Des dizaines, des centaines de chèvres de toute taille et
de toutes les couleurs (sauf pourpre) vinrent défiler le long du caillou sur
lequel étaient assis John et John, qui regardèrent le spectacle sans parler.
Sauf pour dire « bonjour » au berger (on n’est pas des bêtes !).
Près d’une demi-heure s’écoula au
rythme du pas des bêtes qui rejoignirent ce qui avait paru être une clairière
et qui était en fait un pâturage. Une demi-heure à mater des biquettes. Au sens
propre, hein. Alors quand ils décidèrent de redescendre, ils étaient plutôt
ressourcés et détendus ! Assez même pour se permettre un détour et
repasser par le village pour une ballade qui les mena droit vers un petit
atelier d’artisans où une famille travaillait le bois de génération en
génération. La légende raconte que c’est l’aura de Saint Régis, patron des Cons
(idole de John Bigs, donc), qui les conduisit là-bas… Toujours est-il qu’ils
passèrent un moment à rire et à faire de la merde avec tout ce qu’on peut
trouver dans ce genre d’endroit : cuillères, casse-tête, masques, jouets,
didjeridoo… quand soudain : « HAAAAAALLELUJAH !! » Saint
Régis fût bien éclairé d’attirer le regard de John Bigs sur l’objet à l’origine
de cette aventure (… qui a dit « une crotte de bique ?.. »).
« Eh,
John…
-
Mmmh ?
-
Tu vois ce que je vois ?
-
Oh ouais ! Elle est à moitié bonne !
-
Arrête John, elle a 11 ans. Nan, je te parle de ça, regarde.
-
Des lance-pierres ?
-
T’imagines la bataille de crottes qu’on pourrait se faire là-haut ? »
On
peut toujours se fier à John Bigs pour avoir des idées à la con. Et à John John
pour garder le bon sens nécessaire à raisonner son acolyte en toute
situation :
« Wowowooow…
Mais tu t’rends pas compte ? On peut pas remonter là-haut !.. Pas
tant qu’on n’a pas de Porto !! »
Ainsi les Johns partirent s’équiper
pour une deuxième ascension : lance-crottes, Porto, pain, saucisson,
paquet de gaufrettes, guitares et sacs de couchage… Et ils regrimpèrent la
montagne. Et ils en re-chièrent. Et ils en re-rigolèrent. Et ils se
re-émerveillèrent du lieu et de la vue du haut de ces pâturages. Le moment qui suivi
fût de l’ordre de la seconde, une seconde en l’espace de laquelle les sacs et
les guitares se retrouvèrent posés sur les rochers tandis que les compères se
dirigeaient à un bout et à l’autre en cherchant le spot le plus chargé en
munitions crottes de chèvres. Les tirs commençaient à faire ressembler la
clairière à une banlieue de Bagdad quand un père et son fils apparurent sur un
côté, visiblement partagés entre la décision de continuer leur randonnée en
traversant la crête et celle de rebrousser chemin pour ne pas prendre le risque
de se retrouver pris dans un feu fourni de merdes de biquettes. Une trêve fût
ainsi négociée, chaque John profitant de la traversée des intrus pour se charger les poches en boules de caca.
Ce fût là une des seules fois que John
John mit une honnête branlée à John Bigs, qui avait tellement de marques rouges
après écoulement des stocks de balles qu’il ressemblait à une pub pour
Biactole. Un temps considérable s’était écoulé pendant les hostilités (50 ans,
selon la légende. 50 ans de diarrhée aérienne en altitude. 50 ans au sommet
d’une montagne de connerie) ; un conflit pendant lequel la merde a littéralement
volé. Des billes de biques aux Frisbee de vieilles bouses de vaches séchées. Les
Johns ne sentaient plus le Tahiti Douche quand la lumière du Soleil vint à
décliner, c’était pour nos débilos le signal de cessez-le-feu et de à-l’apéro-en-jouant-de-la-guitare-au-bord-de-la-montagne,
le temps bien mérité du premier verre de Porto et de la préparation des sandwichs
pain-saucisson pendant que John John jouait « I shall not walk
alone » de Ben Harper pour accompagner la fin du jour filmée par John
Bigs. Une nuit à la belle étoile permit ensuite aux deux Johns d’admirer les
feux de forêts environnants, le lever de Lune et la rapidité des puces
portugaises à se loger entre deux poils de couille avant de prendre le chemin
du retour, le ventre chargé de deux gaufrettes à la vanille.
« Eh,
John ?
-
Ouais ?
-
On l’a déjà vu le chemin, on se fait un peu chier là, nan ?
-
Ouais.
-
On se fait la descente en courant ?
-
Ouais ! »
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